» Si la CEI forme bien ses officiers électoraux et se débarrasse de sa propension à sa redevabilité
au pouvoir exécutif, plus aucune élection en Côte d’Ivoire ne sera violente sous sa gouvernance. »
« Il faut donc craindre que le moindre coup dur pour le Rhdp qui a bâti son avenir autour d’un
leader charismatique lui soit fatal. »
Dix jours après les résultats du scrutin couplé à savoir les régionales et les municipales, Frédéric
Tanoh-Niangoin acteur très actif de la société civile, président de l’ONG ALERTE CONFLIT s’est
prononcé sur ladite échéance. C’était le mardi 12 septembre dernier au siège de sa structure.
On peut pousser un soupir de soulagement au lendemain de la proclamation des résultats des
élections régionales et municipales du 2 septembre 2023, pourtant très redoutées avant leurs
tenues, parce qu’elles étaient qualifiées par la plupart des observateurs de la scène politique
ivoirienne comme les demi-finales de l’élection Présidentielle de 2025. L’ on a pu noter toutefois
qu’elles se sont déroulées sans violence, malgré de nombreuses récriminations contre la CEI et
quelques contestations de rue dans certaines localités d’ailleurs très vite circonscrites.
Au regard de certaines victoires ou défaites qui semblent logiques pour les uns et surprenant(e)s pour
les autres, quelles analyses à froid pouvez-vous faire de ces résultats diversement commentés ?
Et quel est votre point de vue relativement à l’organisation générale de ces élections locales
couplées ?
Nous sommes heureux que ces dernières élections dans les collectivités territoriales se soient déroulées
globalement sans violence, malgré quelques actes isolés de vandalisme et remous observés par endroits.
Cela peut être mis au compte, soit des nombreuses actions de sensibilisation menées par la Société Civile
et par certaines Institutions dédiées, soit de la prise de conscience des Ivoiriens qui commencent petit à
petit à gagner en maturité démocratique et politique.
Nous sommes donc persuadés que si la CEI forme bien ses officiers électoraux, si elle tire de bonne foi
les leçons de ses faiblesses et contre performances et renforce par conséquent ses capacités en matière
d’organisation des élections en se débarrassant surtout de sa ruse avec l’équité, en d’autres termes, de
son esprit partisan et de sa propension à sa rédevabilité au pouvoir exécutif, plus aucune élection en
Côte d’Ivoire ne sera violente sous sa gouvernance.
Pour ce qui est des résultats jugés logiques d’une part et surprenants d’autre part, nos diagnostics et
analyses mettent en relief au moins sept points qui nous paraissent essentiels.
Le premier révèle l’un des principaux mécanismes préélectoraux notamment le découpage électoral biaisé
mis en œuvre par le pouvoir en place aux fins d’avoir une majorité sociologique et même psychologique
confortable des présidents de conseils régionaux, des Maires et des Députés dans son fief ; Le second met
en évidence la déstructuration du corps électoral dans certaines localités du grand Centre et du Nord du
fait des effets directs ou collatéraux de la rébellion armée de 2002 ; Le troisième renvoie à l’absence
d’opportunités ou d’intérêts pouvant conduire à la construction d’une citoyenneté locale au Nord avec les
ressortissants des autres régions de la Côte d’Ivoire notamment du Centre, du Sud, de l’Ouest et même de
l’Est; ce qui rend monocolore l’électorat du Nord devenu ainsi captif pour le RHDP ; Le quatrième porte sur
le chantage aux réalisations structurantes dont les routes, l’électrification et la promotion du bilan du
Président OUATTARA pourtant élu Président pour tous les Ivoiriens ; Le cinquième porte sur la politisation
des collectivités territoriales qui voient leurs objectifs contrariés par la caporalisation des fonctions de
Présidents de Conseils Régionaux et de Maires par les Partis Politiques, au point de mettre sous le boisseau
les critères de compétences ; Le sixième est le sursaut d’orgueil du PDCI-RDA qui, comme le roseau,
a quasiment plié sans rompre dans ses bastions traditionnels ; Le septième est l’égocentrisme du PDCI et
du PPACI qui a ouvert grandement la voie de la Mairie au RHDP qui ne demandait pas mieux ; Ces diagnostics
et analyses justifient les victoires massives et logiques du RHDP dans le Nord et dans les régions fortement
impactées par la rébellion de 2002. Ils expliquent en même temps les défaites jugées surprenantes et
catastrophiques de certains hauts Cadres du RHDP dans le V Baoulé et à Abidjan.
Après ces diagnostics et analyses assez pertinents que vous venez de faire, comment voyez-vous
l’avenir des trois grands Partis Politiques qui étaient présents sur le terrain pour les élections
Régionales et Municipales ?
En clair, à l’allure où vont les choses le RHDP ne pourrait-il pas phagocyter tous les autres Partis
Politiques ou à tout le moins les amener à être des Partis Politiques résiduels, puis disparaitre
petit à petit ?
Ma réponse va convoquer l’histoire récente des Partis Politiques Ivoiriens, de 1993 à ce jour.
S’il y a des Partis Politiques dont la résilience peut être un cas d’école ce sont bien le PDCI-RDA et le PPA-CI.
En effet le PDCI-RDA perd Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, son premier Président en 1993. Six années plus tard
ce Parti voit son Président Henri KONAN Bédié aller en exil, après le sinistre coup d’État de 1999 qui le
renverse.
Malgré ses 22 ans dans l’opposition et les nombreux débauchages de ses Cadres, ce Parti résiste et devient
même la pierre angulaire dans l’ascension de OUATTARA au pouvoir 2010 et 2015. En 2020, ce Parti se
fourvoie dans une désobéissance civile et un boycotte actif qu’il va payer chèrement. De plus à un mois des
élections Régionales et Municipales le PDCI perd son charismatique patriarche et Président. Ce Parti bande le
cœur de ses militants qui refusent d’abdiquer et se lancent dans les élections Régionales et Municipales et
s’en sort avec un score honorable.
Le PPA-CI bien que nouvellement créée après dix ans de déboires de son Président charismatique Laurent
GBAGBO fondateur du FPI originel et de nombreux emprisonnements opérés parmi ses militants, ainsi que
le décès de la plupart de ses grands Cadres, ce Parti relève la tête et inquiète même ses adversaires en ce
moment. Le fait marquant pour ces deux Partis Politiques, le PDCI et le RHDP, est que la conviction de leurs
militants est très forte. En plus, ils ont déjà montré qu’ils peuvent fonctionner en l’absence de leurs leaders
respectifs et qu’ils ont du vivier de qualité qui ne repose pas sur des transfuges. De tels Partis Politiques
sont donc crées sur du solide et sont sûrs d’avoir longue vie et ne sauraient disparaitre de si tôt.
A contrario le RHDP qui fait aujourd’hui feu de tout bois est un groupement de Partis Politiques qui
renferme de nombreux transfuges dont la conviction semble circonstancielle pour la plupart.
Il faut donc craindre que le moindre coup dur pour ce Parti qui a bâti son avenir autour d’un leader
charismatique lui soit fatal. L’exemple de l’Asec d’Abidjan et de l’Africa Sport est édifiant à ce propos.
Pendant que l’Africa Sport rival de l’Asec caracolait en tête du championnat national de Football sous
la houlette de son Président Simplice Zinsou et ses recrues internationales, l’Asec d’Abidjan sous le
Président Roger Ouégnin formait sur place ses joueurs et ne se contentait que de quelques renforts étrangers.
L’ Africa Sport a fini par sombrer après le départ du Président Zinsou, tandis que l’Asec d’Abidjan a maintenu
le cap et est devenu un grand club avec un vivier inépuisable et pourrait le demeurer même sans le Président
Ouégnin
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