Le dimanche 05 juin dernier au siège de son organisation, le président de l’Ong ALERTE CONFLIT Frédéric Tanoh Niangoin Expert-Consultant en Gestion des Conflits et Paix a échangé avec la presse. Pour l’essentiel, il s’est prononcé sur le processus de la réconciliation

Selon certaines analyses, le processus de la Réconciliation est en train de sortir progressivement de sa léthargie, au regard des insinuations et actions émanant des gouvernants, notamment la rencontre qui serait envisagée entre OUATTARA, BEDIE et GBAGBO, la visite dans le Guémon du Ministre KOUADIO KONAN Bertin en charge de la Réconciliation et la Cohésion Nationale, ainsi que sa rencontre à Paris avec les forces vives de la communauté Ivoirienne. Quelle est votre appréciation de ces intentions et actions, d’abord en tant qu’expert et observateur de la scène Politique ivoirienne et ensuite en tant qu’acteur de la Société Civile ?

Quel que soit l’angle sous lequel j’aborde cette question, Je trouve ces analyses quelque peu hâtives et superficielles, au regard des causes profondes de la fracture sociale en côte d’Ivoire. L’objectif de la réconciliation étant de remettre en accord des personnes brouillées, pourquoi ne cherchons-nous pas à poser le bon diagnostic pour déceler ce qui a divisé les ivoiriens et qui pourrait continuer à les diviser encore longtemps, plutôt que de louvoyer pour se donner bonne conscience en professant la réconciliation derrière laquelle autant d’intelligences courent depuis une trentaine d’années sans succès? Au demeurant, comment pouvons-nous arriver à la réconciliation tant recherchée quand nous ne sommes pas prêts à nous départir de nos tares antidémocratiques et que nous persistons dans les maux et les pratiques qui ont conduit à la fracture sociale ? Pour notre gouverne à tous, il est bon de rappeler que la fracture sociale en Côte d’Ivoire tire aussi bien ses fondements des différentes crises constitutionnelles, de 1993 à 2020 résultant soit des entraves à l’application de la Constitution, soit de son tripatouillage que des crises Institutionnelles, avec des Commissions électorales qui ont du mal à s’élever au-dessus des positions partisanes dans la conduite de leurs missions de gestion des processus électoraux et des Conseils Constitutionnels dont aucun n’a encore pu convaincre de son ingratitude envers le Pouvoir qui l’a mis en place. Aux crises Constitutionnelles et Institutionnelles se greffent aussi les conséquences néfastes des luttes pour la reconnaissance ou de l’appartenance motivées par le sentiment de déni ou de rejet qui font partie des trames des affrontements intercommunautaires à relents Politiques mettant en scène des autochtones et des allogènes associés dans des cas avérés à des allochtones, dans la plupart de nos localités. Avons-nous d’autre part cherché à déconstruire les préjugés et les thèses qui ont sous-tendu les raisons avouées du coup d’état de 1999 et de la rébellion de 2002 de triste mémoire qui ont ouvert des plaies dont les cicatrices interpellent les ivoiriens tous les jours ? La facture sociale que vit la Côte d’Ivoire aujourd’hui est, selon moi, psychologique et non physique. C’est pourquoi, tant qu’il n’y a pas de déclencheurs de conflits, les ivoiriens et les habitants de Cote d’Ivoire, n’ont aucun mal à se trouver côte à côte, à l’occasion de grands évènements à caractère national, régional ou même local, notamment dans les domaines du sport, des obsèques, de la religion, des activités professionnelles, des manifestations de réjouissance, de distractions, etc….Les ivoiriens ont donc moins besoin de réconciliations-spectacles que de gouvernances politique, institutionnelle et sociale appropriées qui se traduisent en l’application scrupuleuse des principes démocratiques, en la promotion de l’Etat de droits et au respect des Droits de l’Homme. La véritable réconciliation doit donc se faire en priorité entre nos Chefs d’Etat d’Etat qui sont en conflit avec la bonne gouvernance Politique et Institutionnelle et l’Etat de Droit, afin que Satan arrête de nous posséder tous les 5 ans.

A vous écouter vous n’êtes pas en train d’insinuer que la mission du Ministre KOUADIO Konan Bertin dit KKB, telle que conduite, n’est pas sure d’être couronnée du succès ?

Non, pas du tout. Je ne fais pas de prémonition quelconque. Je ne fais que suggérer modestement des pistes qui pourraient nous aider à parvenir à la réconciliation. Sachez qu’il en va de la réconciliation comme de la gestion des conflits ; sans bon diagnostic, pas de bon résultat. Le Ministre KKB, quoi qu’on dise ou pense, a tous les atouts pour réussir sa mission. Il est dynamique, courageux, opiniâtre et cohérent. Il est en outre aguerri dans le combat politique et a l’intelligence des situations. Au Gouvernement, contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, il est loin d’être une valeur d’ajustement ou, comme dirait l’autre un complément d’effectif. Il doit son poste à la légitimité qu’il a conférée à l’élection du Président de la République le 31 Octobre 2020. Cela ne devrait cependant pas remettre en question ses efforts et le mérite qu’il a de prendre des initiatives salutaires dans ce tourbillon d’intrigues politiques. Il lui reste toutefois à relever le défi des préjugés et surtout des redevabilités qu’imposent souvent les pesanteurs politiques partisanes et calculatrices. Pour l’heure, je salue ses discours empathiques et les actions de rapprochements menées qui concourent au moins à l’apaisement des cœurs, à la consolation des populations meurtries et à l’obtention du Pardon des victimes rencontrées.

Mienmo Marie