Avant les retrouvailles entre le président de la république Alassane Ouattara et ses deux prédécesseurs les présidents Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, les ivoiriens s’attendaient à des décisions concrètes qui allaient faire le lit d’une paix durable. Que non. La population est restée sur sa faim. Pour le président de l’Ong ALERTE CONFLIT Frédéric Tanoh-Niangoin par ailleurs Expert en Gestion des conflits affirme que les ivoiriens veulent être rassurés que leur Constitution ne sera plus une pâte à modeler, que le communautarisme et le régionalisme ne déteindront plus sur le découpage électoral. C’était au cours d’un entretien le lundi 18 juillet denier au siège de son Ong.
Le rideau s’est refermé sur la rencontre tant attendue des trois grands leaders politiques, Bédié, Ouattara et Gbagbo. Rien n’a cependant filtré de ce conclave. Le communiqué qui a été produit conjointement et lu par l’ancien Président Gbagbo ne permet pas non plus d’être situé sur les sujets évoqués. Quelles sont vos impressions et analyses?
Le moins qu’on puisse dire est que cette rencontre des trois grands leaders politiques, bien que sanctionnée par un communiqué jugé laconique, rassure au moins sur la décrispation du climat socio-politique jusque là délétère. Elle véhicule également plusieurs messages à décrypter dont je retiens trois qui me paraissent essentiels. Le premier est qu’il y a une vie après les élections, Le second est qu’aucun adversaire politique ne doit être brimé, persécuté ou subir de représailles, car il peut être un allié possible à tout moment. Le troisième est que, faire la paix est juste une question de volonté. Au demeurant, j’observe tout de même qu’à ce bon marketing politique orchestré par le Président Ouattara et soutenu par des images fortes de leurs retrouvailles qui traduisent symboliquement l’humilité, le dépassement de soi et la proximité, il a manqué dans le communiqué qui a sanctionné cette rencontre tant attendue, cet autre acte extrêment fort, notamment la contrition, même subtile, qui aurait soulagé les Ivoiriens après tout ce qu’ils ont subi pour chacun de ces trois grands leaders. Même si chacun d’eux à son niveau l’a déjà fait, il n’aurait pas été superflu de le faire ressortir dans le communiqué, dans la mesure où cette rencontre à trois est la première qui, selon eux, devra servir de levain pour la décrispation du climat socio-politique national. Cet acte de repentance qu’est la contrition les aurait davantage grandis.
Est-ce à dire que vos attentes n’ont pas été du tout comblées ?
J’avoue que cette rencontre, par sa brièveté et le contenu du communiqué qui l’a sanctionnée, me laissent dans l’expectative. Ne perdons pas de vue que la rupture entre les trois (03) grands leaders politiques résulte d’une succession de points d’achoppements sur des questions politiques importantes et essentielles, sur des crises constitutionnelles récurrentes et sur des conflits électoraux quinquennaux dont la violence de certaines d’entre elles ont entrainé de nombreux préjudices corporels et matériels, ainsi que des pertes en vies humaines.
N’est-ce pas le fait d’occulter les sujets qui, dit-on, fâchent et de se convaincre que la convivialité factice entre d’irréductibles protagonistes politiques poussés résolument dans le dos par leurs militants et partisans suffisent pour résoudre ces crises et conflits qui nous ramène toujours en arrière ? Les questions conflictuelles telles que le respect et la bonne interprétation de la Constitution, l’équilibrage de la CEI, le découpage électoral qui repose sur des critères objectifs, l’audit du fichier électoral notamment, sont vitales et ne s’auraient ni s’accommoder, entre autres, de déclarations du genre ‘’ chaque fois que mes prédécesseurs auront le temps de reprendre ces échanges, je leur ferai appel pour recueillir leurs avis et recommandations’’, ni de celle du genre ‘’ ce sera une très bonne chose pour la nation d’entendre et d’écouter mes prédécesseurs ; leur connaissance du pays, leur expérience et évidemment le poids politique qu’ils représentent’’. Puisque les causes des conflits sont connues, il faut leur trouver les remèdes appropriés. Et ma qualité d’expert en gestion des conflits m’enseigne qu’un conflit déclaré n’est véritablement résolu que lorsque les causes ont disparu.
Mienmo