Les populations de Lomo nord dans le département de Toumodi et leurs voisins ont saisi leurs élus et cadres
pour leur confier une situation inconfortable qui leur est imposée. En effet, l’armée française bénéficiant
d’une parcelle bien circonscrite comme champ de tirs veut aller au delà du périmètre qui lui a été octroyé.
Les populations lèvent le ton: » Non, nous disons non. » Le président de la mutuelle de développement de
Lomo-nord Nestor Tingue lors de cette interview a expliqué ce qu’il en est exactement.
L’armée française a toujours été à Lomo-nord. Pourquoi c’est maintenant que vous vous plaignez de cet état
de fait?
Permettez moi de faire un bref historique. L’armée française s’est installée sur nos terres il y a environ 50 ans.
Elle occupait un territoire estimé à 2500ha depuis lors. Maintenant contre toute attente, des manœuvres
militaires se font au-delà de cette limite originelle empêchant ainsi les braves populations de vaquer
librement à leurs occupations agricoles, leurs seules sources de revenus. Et cela sans aucune compensation.
La cohabitation n’était pas trop au beau fixe. A chaque fois que les villageois se sont sentis dans une
insécurité imminente, ils ont manifesté leur mécontentement à l’armée française ou signifier leur inquiétude
aux autorités. Le dernier cas est la manifestation contre l’arrivée de l’arme de guerre, le Caesar le 13 août
2018. Les populations ont émis des craintes quant à l’usage de cette arme. Des promesses ont été faites au
village lors des négociations qui ont abouti à son acceptation . Aucune de ces promesses n’a jamais connu de
début de réalisation comme les précédentes. Malheureusement, au cours d’un exercice militaire de l’armée
française le 19 avril 2022, cette arme a causé la mort d’un bouvier et de plusieurs dizaines de bœufs, au-delà
des limites du champ de tir. Cet incident malheureux va donc entrainer la suspension du champ de tir suite
aux protestations des villageois. Les échanges entre le village et les autorités (administratives et militaires)
en vue de trouver des solutions ont retenu comme préalable la délimitation du champ de tir, mais il a été au
final imposé aux villageois une extension du champ du tir au delà du territoire de Lomo nord. Cette extension
engloutit la quasi-totalité des terres de Lomo et impacte également les terres de 6 autres villages (ABLI,
BEDRESSOU,TIEMELE- ANOKRO,DIERI-KOUASSIKRO,ANGOUAKOUKRO et GOFIA). D’où les plaintes des
populations.
Indiquez précisément les effets néfastes que l’armée française vous impose?
Les impacts néfastes de la présence de ce champ de tir sont d’ordre sécuritaire, sociale, économique
psychologique. L’insécurité à cause du non-respect des limites originelles lors des exercices de tirs ainsi que la
portée des obus tirés. La difficulté d’accès aux terres propices aux exploitations agricoles à cause du champ
de tir dont la présence ne facilite pas la réalisation d’une voie et d’un pont pouvant permettre l’accès a
quatorze (14) autres villages Ahétou. La déperdition scolaire quasi totale des enfants du village, du fait des
agitations ou activités militaires et des bruits assourdissants des engins (machines et hélicoptères) situés trop
proche de l’école. La propension des militaires européens à l’exploitation de ces jeunes élèves mineurs qui,
attirés ont préféré y être exploités à de menus travaux; toutes choses qui les ont détournés du chemin du
savoir;- L’impraticabilité de la route reliant Lomo-nord à Toumodi, du fait de son endommagement fréquent.
La détérioration des infrastructures au niveau des villages due aux vibrations du sol, causées par les
fissurations des murs de la plupart des maisons, et les cas de surdité constatés et les risques de perte
d’audition dus aux nuisances sonores, causées par les tirs etc…
Dans le cas où les militaires français insistent dans leur volonté d’étendre leur espace de champ de tirs?
Nous ne pensons pas que l’Etat puisse rester indifférent à l’aspiration des populations de Lomo-Nord et de
celles des villages impactés. Nous ne pensons pas que l’Etat puisse poser un acte visant à spolier nos
populations de leurs terres au profit de l’Armée française. Nous n’osons pas penser à une telle injustice de la
part de l’Etat, surtout à l’encontre d’un village qui depuis plus de 50 années contribue à la sécurité nationale à
travers ce champ de tir sans contrepartie. Nous faisons confiance en l’Etat.
Quel est le message clair et précis à l’opinion nationale et internationale?
Nous voudrions que l’on retienne que le village de Lomo Nord estime avoir fait assez de sacrifice pour la
sécurité nationale sans aucune compensation. Ce village s’oppose à la présence de l’armée française sur ses
terres désormais. En revanche, le village attend le dédommagement pour ces 50 années d’exploitation de ses
terres. C’est pour nous la priorité à laquelle nous invitons l’armée française .
Merci à toutes les personnes qui se sont impliquées dans la recherche de solutions.
Mienmo