La presse a interrogé Frédéric Tanoh-Niangoin acteur de la société civile relativement à l’exclusion de la liste électorale du président Laurent Gbagbo et au 4ème mandat du président Alassane Ouattara. Avec le franc parler qui le caractérise, le président de l’Ong Alerte-conflit a donné son point de vue.

A trois mois des élections régionales et municipales couplées la fièvre Politique monte déjà dans des états-majors, en raison du retrait de la liste électorale provisoire de l’ancien Président Laurent GBAGBO qui n’est donc pour le moment ni électeur, ni éligible.
Le Ministre KONE KATINAN porte-parole de son Parti le PPA-CI trouve que « cela est une provocation inacceptable et que son Parti ne l’acceptera pas ». Il appelle pour cela les militants de son Parti le PPA-CI à rester déterminés, en dépit de l’absence pour l’heure de la liste électorale de son mentor Laurent GBAGBO, et les invite à participer à ces élections locales que le Ministre Cissé Ibrahim Bacongo le Secrétaire Exécutif du RHDP présente comme un test pour la Présidentielle de 2025 pour laquelle il a annoncé, dans l’euphorie à Gagnoa, la Candidature du Président Ouattara qui pourrait alors briguer, quoi qu’on dise, un 4°- mandat.
Vous êtes Acteur de la Société Civile, grand observateur de la Scène Politique Ivoirienne depuis de longues années, Président de L’ONG Alerte-Conflit, expert-Consultant en Gestion des Conflits et Mémorialiste.


Que vous inspirent ces deux faits importants, notamment le retrait du Président Laurent GBAGBO de la liste électorale et l’annonce anticipée de la Candidature du Président OUATTARA pour un 4°- mandat en 2025 ? Selon vous, que pourrait résulter de ces deux faits importants et que préconisez-vous pour la sauvegarde de la Paix déjà fragile en Côte d’Ivoire ?

 vos deux Premières questions sont le cœur même des préoccupations actuelles des Ivoiriens. L’exclusion  de l’ancien Président  Laurent GBAGBO de la liste électorale provisoire nous rappelle celle en 1995 du Premier Ministre d’alors Alassane OUATTARA.
 Son exclusion de l’élection présidentielle à cette époque a été avec la lutte pour la succession au Président Félix Houphouët-Boigny en 1993 et le coup d’État de Robert Guei les principaux fondements de l’instabilité Politique devenue chronique en Côte d’Ivoire.
 Les crises et conflits électoraux qui résultent pour l’essentiel de l’exclusion d’adversaires Politiques et de la lecture approximative de notre Constitution ne sont pas une fatalité.

Il suffit de rappeler que l’un au moins des quatre Chefs d’État que la Côte d’Ivoire a connus après Félix Houphouët-Boigny, en l’occurrence Laurent GBAGBO n’a ni été contrarié sur la question d’exclusion d’un adversaire Politique, ni confronté à un exercice d’interprétation de la Constitution Ivoirienne.
C’est pour cela que son exclusion de la liste électorale choque et qu’il a le soutien de la grande majorité des Ivoiriens, face à cette décision juste inopportune dans le contexte actuel.
Les crises constitutionnelles et le déficit de démocratie en Côte d’ Ivoire ne sont donc simplement que des actes de défiances à l’État de Droit et donc de mauvaises gouvernances Politiques qui font que chacune des échéances électorales suscite l’angoisse, la peur, le désespoir et le sursaut, sentiments qui annoncent généralement un péril.

Cela dit, l’option du retrait de la liste électorale de l’ancien chef d’État Laurent GBAGBO Président du PPA-CI peut être considérée comme une hérésie dans le contexte de la consolidation de la paix et de la nécessité absolue de réconciliation et de cohésion nationale.
Qu’elle soit donc une décision de justice ou Politique, cette exclusion incline à penser que la Tolérance et le Pardon proclamés à longueur de journée par nos gouvernants ne sont malheureusement que des déclarations de bonnes intentions prêtes à être sacrifiées sur l’autel d’ambitions égocentriques et de visées hégémoniques, sous-tendues par un esprit de rancune, de vengeance et de punition.
Pour ce qui est de l’annonce de la Candidature de l’actuel chef de l’État pour un quatrième mandat, bien qu’elle réveille les souvenirs à demi effacés des affres des Conflits Politiques du troisième mandat en 2020, elle ne devrait pas poser de problème particulier si la Constitution l’a prévu ainsi car, tout compte fait, les peuples se donnent librement les dirigeants de leurs choix.
Puisque nous sommes habitués aux exégèses constitutionnelles, le Président OUATTRA peut donc faire autant de mandats qu’il souhaite si sa santé le lui permet et si son bilan sociétal le justifie. Il se devra dans ce cas, d’améliorer sa gouvernance Politique et sa gouvernance sociale, du point de vue des rapports avec l’ensemble des gouvernés ; lesquelles gouvernances devront s’appuyer davantage sur des valeurs telles que la Tolérance et le Pardon, deux vertus qui se présentent comme une partie de la solution au problème de l’érosion de la cohésion sociale.


L’histoire politique ivoirienne nous instruits suffisamment que partout dans le monde et particulièrement en Afrique les crises et conflits les plus graves qui conduisent à des drames et mettent à mal la cohésion nationale tirent leurs sources des exclusions jugées arbitraires d’adversaires Politiques, ainsi que des mandats anticonstitutionnels, le plus souvent les troisièmes et quatrième, avec comme cerises sur le gâteau le refus de l’alternance démocratique ou la confiscation du pouvoir d’État.
Les Ivoiriens qui ont déjà vécu ces calamités en presque trois décennies doivent donc en tirer des leçons en se conseillant mutuellement la tolérance qui est un instrument essentiel de la cohésion sociale, plutôt que de demeurer dans des prises de positions au gré de leurs intérêts partisans.
je voudrais humblement dire à tous ceux qui sont proches du pouvoir RHDP et qui se voient dans l’obligation morale d’en découdre avec le PPA-CI, que le bouillonnement constaté des partisans du Président Laurent GBAGBO doit être considéré comme les pleurs de personnes qui se sentent opprimées ou blessées et que la réplique sous une quelconque forme que ce soit n’est pas vraiment nécessaire.
Je voudrais également exhorter le Président OUATTARA au Pardon qui libère, justifie puis grandit son auteur et lui suggérer de lâcher prise sur la personne de son frère Laurent GBAGBO, de l’absoudre de toutes les accusations dont il est l’objet dans le cadre de ses fonctions antérieures de président de la République en le remettant dans la compétition électorale, afin que celui-ci auréole du titre honorifique de père de la démocratie en Côte d’Ivoire n’en soit pas finalement un martyr.
S’il fait droit à notre requête, le Président OUATTARA pourrait ainsi éviter d’avoir sur la conscience, à jamais, d’autres événements douloureux et dramatiques comme ceux vécus en 2020 à Toumodi, à Daoukro et ailleurs en Côte d’Ivoire.
Qu’hier nous inspire tous donc et nous éclaire pour demain.

Mienmo